jeudi 17 décembre 2015

L'inspiration : une valeur en chute libre

    

Illustration pour La Porte, nouvelle "inspirée" par C.A. Smith
   De nos jours, il ne fait pas bon parler d'inspiration si vous êtes écrivain ou artiste, et encore moins si vous n'appartenez à aucune de ces deux catégories. Vous passeriez pour un mythomane, un inadapté, un fainéant, un parasite ou, ce qui est pire car il réunit les quatre dans l'imaginaire contemporain, un poète. Ne vous laissez jamais traiter de poète. Si vous ne comprenez pas pourquoi, c'est que vous n'en êtes probablement pas un et c'est tant mieux pour vous.

   Il n'y a pas de véritable poésie sans inspiration. Je ne vais perdre mon temps à essayer de vous démontrer cette affirmation ; c'est un axiome. Il n'y a pas d'art qui vaille sans poésie. Voilà mon second postulat indémontrable. Il va donc de soi qu'il n'y a pas d'art qui vaille sans inspiration.

   L'inspiration est ce moment magique, bref et intense où de nombreuses idées, de nombreuses images, de nombreuses émotions se cristallisent sous une seule forme si lumineuse, si évidente que vous ne pouvez pas vous empêcher de penser : « Bon sang mais c'est bien sûr ! » ou « Eurêka ! » si vous êtes grec et nettement plus distingué. Ce n'est pas une idée, c'est un véritable monde qui vous est donné à voir. Pour un écrivain, l'inspiration apporte un gain de temps et de confort considérable, sans parler du reste. Tout est si clair, si précis, si détaillé que vous n'avez presque qu'à laisser courir la pointe de votre crayon si vous êtes adepte, comme moi, de ces ustensiles préhistoriques, ou taper comme un pic épeiche devenu fou sur votre clavier d'ordinateur. Eh oui, ça n'arrive pas que dans les romans et les films.

   Dans mon cas, l'inspiration, telle que je l'ai définie plus haut, procède de causes secondaires bien distinctes. A dire vrai, je suis incapable de remonter à la source. Mais dans de nombreux cas, je peux retrouver cet élément déclencheur. Souvent, il s'agit bien sûr d'un souvenir d'une chose vue ou vécue, parfois il y a très longtemps et parfois très récemment, parfois en apparence insignifiante ou qui m'avait paru telle. Cela peut aussi être une réflexion, un simple fil de réflexion qui, soudain, quand vous l'avez tiré assez longtemps, se révèle appartenir à une immense tapisserie. Dans plusieurs cas, il s'agit d'un rêve, d'un rêve fait en dormant, qui m'a presque dicté le texte à mon réveil (dans ce cas-là, différer est une grave erreur) même si la matière rêvée doit obligatoirement subir une sorte de traduction pour avoir un intérêt littéraire. Dans deux cas au moins, le catalyseur a été la lecture d'un texte — une fiction généralement — d'un autre écrivain, qui m'a semblé tenir une idée forte et qui ne s'en est pas servi ou de façon très marginale, ce qui m'a visiblement fortement contrarié. Je pourrais citer ainsi une nouvelle de Clark Ashton smith qui a eu cet effet sur moi. Peut-être, si vous êtes amateur de fantastique et même si vous ne l'êtes pas, avez vous lu cette belle nouvelle de lui intitulée Morthylla, assez facile à trouver dans notre langue. Ce n'était pas celle-là. L'histoire qui m'a inspiré, beaucoup plus faible, s'appelait, je crois, et du moins dans sa traduction française, Meurtre dans la quatrième dimension. Une autre nouvelle de science-fiction, de Gene Wolfe, intitulée To the seventh (non traduite à ce jour selon ma connaissance), m'a récemment inspiré, pour les mêmes raisons, L'ange tombé du ciel. Je peux même trouver un cas, celui de mon dernier petit roman en date,  D'étoile en étoile, de porte en porte, qui m' a été inspiré par une série TV, en l'occurence le début de Stargate Universe, qui aurait pu être une excellente série si les scénaristes ou les producteurs ne s'étaient pas pris les pieds dans le tapis au bout de deux ou trois épisodes. Néanmoins je doute fort que si quelqu'un venait à lire ce roman après avoir vu les premiers épisodes de la série, sans avoir lu ces lignes, il penserait jamais à faire le rapprochement entre les deux tant l'inspiration, justement, m'a éloigné de ce point de départ. C'est vraiment un phénomène très étrange et qui rappelle le rôle d'un catalyseur dans une réaction chimique ; sans lui, pas de réaction, mais à la fin de la réaction, il est quasi impossible à détecter.

   Bien sûr, on ne peut pas compter toujours sur l'inspiration. Elle vient quand ça lui chante et vous me direz qu'on a besoin de manger tous les jours. Vrai. Mais ça c'est une autre histoire et vous la connaissez déjà suffisamment pour que je ne vous la raconte pas à mon tour.

Liens :
Morthylla et Meutre dans la quatrième dimension : ici
To the seventh (en anglais) : ici 
  D'étoile en étoile, de porte en porte

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