dimanche 4 janvier 2015

Setting Sun Services : un vrai service rendu aux auteurs




Setting Sun Services est née officiellement dans les dernières lueurs de l'année 2014, peu avant ou peu après le coucher du soleil, comme pour saluer l'événement, suite à une réflexion commune de ses trois fondateurs originels.
À l’époque, elle ne se composait en effet que de trois personnes : Norbert Brön, le Promoteur-Éditeur, Jean Levant, le Producteur et Haï Tongchak (ou Tongchan selon certaines sources), l’Interprète-Traducteur. C’est pourquoi on les appelle parfois en plaisantant les PÉPIT. Chacun avait une part égale dans l’affaire, ce qui ne facilitait pas les calculs du Promoteur, qui en plus de ses nombreuses autres tâches, avait la lourde charge de la trésorerie, quoique d’une manière que d’aucun aurait jugé lointaine et pour le moins fantaisiste. Plus tard, quand la maison eut enregistré ses premiers succès, elle embaucha à temps (très) partiel une quatrième personne, Christine Vermoren, qui reçut très vite le titre motivant d’Administratrice en Chef, les bureaux de l’entreprise ne comptant alors plus qu’une seule personne, Brön ayant décidé que ses autres fonctions lui suffisaient. Peu après, Vermoren devint associée à part égale, ce qui facilita grandement le calcul des rétributions de chacun, quand il y en avait.
Pour être exact, Setting Sun était alors plus une maison de services éditoriaux qu’un éditeur au sens strict, puisqu’elle n’avait pas alors les moyens financiers de faire imprimer des ouvrages, de les distribuer et surtout de les promouvoir efficacement. Elle permettait à des auteurs jeunes ou moins jeunes mais tous talentueux (en théorie du moins), prometteurs et imaginatifs qui ne trouvaient pas d’éditeur, chose étrange mais assez courante semble-t-il à l’époque, de relire leur texte, de les faire corriger par un professionnel (comme l’était à n’en pas douter Tongchak, ou Tongchan), de les traduire éventuellement dans une langue plus usitée, l’anglais par exemple, mais aussi le mandarin, deux langues parmi les sept que maîtrisait parfaitement Tongchack. La réalisation de maquettes, d’illustrations ou de mises en page plus compatibles avec les critères habituels régnant dans l’édition faisaient également partie de ses services. En somme, elle se posait en maillon intermédiaire entre l’auteur armé de son seul manuscrit et la publication, qu’elle eût lieu sous forme traditionnelle ou virtuelle. Un manuscrit soigneusement relu par un tiers doté de compétences linguistiques certaines, remis en forme par une incontestable spécialiste du traitement de texte et égayé d’une couverture qui ne déparerait pas dans la vitrine d’une librairie — pour prendre l’hypothèse la plus optimiste — ou dans une bibliothèque part assurément d’un meilleur pied dans la vie, quelles que soient ses qualités intrinsèques. De plus, une fois imprimés, Brön se faisait fort de promouvoir les livres maison grâce à sa méthode de vente très particulière.
À l’époque dont je parle, la demande potentielle pour ce type de service était devenue assurément forte, tant les auteurs sans éditeur étaient nombreux, à tel point que certains dans le milieu prétendaient qu’il y en avait plus que de lecteurs, ceux-ci ayant curieusement suivi dans le même temps une évolution inverse, ce qui pourrait laisser penser qu’il existait un lien entre les deux phénomènes. Il était donc illusoire pour ce type d’écrivain d’espérer gagner sa vie sur le dos du lecteur, je parle du vrai lecteur, celui qui achète un livre avec l’idée simple de le lire, et éventuellement de le relire. C’est là que Brön intervenait. Il a très bien résumé la situation dans son style punchy. « De toute façon, du point de vue financier qui est le mien, ouh, ah, ah, le problème n’est pas de trouver des lecteurs mais des collectionneurs, ou si vous préférez des meubleurs de rayonnages, wouah, ha. Vous avez un salon d’apparat à meubler, un grand bureau ? Eh bien il vous faut une bibliothèque, O.K ? Et avec quoi peut-on remplir une bibliothèque sinon avec des livres ? Mais pas n’importe quel livre, hein, il faut que ça flashe, que vos visiteurs voient à qui ils ont à faire ! Bon, vous ne pouvez pas la remplir uniquement des œuvres complètes de Shakespeare ou de Higgins-Clark (Brön n’avait pas une idée très claire des hiérarchies littéraires, semble-t-il). Il faut du neuf pour impressionner le péquin moyen, montrer que vous êtes à la page. Mais vous n’avez pas le temps de lire tous ces trucs naturellement, qui l’a de nos jours ? Alors laissez faire des spécialistes. Nous vous confectionnerons une bibliothèque de rêve qui fera verdir de jalousie votre boss comme le petit ami de votre nièce en vous valant au passage l’admiration béate de votre femme de ménage. Et nous le ferons gratuitement en plus (il voulait dire qu’ils ne paieraient pas la main d’œuvre, sauf qu’ils payaient bel et bien les livres). » Et naturellement, il en profitait pour placer dans le lot, les livres maison. Comme de toute façon, disait-il « le bonhomme n’ouvrirait jamais les livres, il aurait aussi bien pu leur fourguer des livres blancs avec juste le titre et la couverture. » Il comparait le milieu de l’édition à celui du vin. « Vous ne devenez pas riche en vendant des bouteilles à des soûlards ou à des fins palais mais à des collectionneurs. Vous avez le nom, l’étiquette, le prix de machin-chose : c’est tout ce qu’il vous faut. Quelle importance ce qu’il y a dedans ! Peut-être que le client ouvrira un jour la bouteille, mais il est plus probable qu’elle finira de moisir dans une cave sans avoir jamais été débouchée. Ou bien il la revendra pour faire la culbute. Pareil avec les livres. Encore mieux même ! Imaginez : un nom devenu soudain fameux, une édition introuvable sauf chez l’heureux bénéficiaire de nos services d’ameublement, avec en plus des illustrations originales faites à la main et tout et tout, exactement ce que nous proposons (il voulait dire si tout se déroulait selon le plan) et vous avez tous les ingrédients d’une pièce de collection. Waouh ! C’est le jackpot ! » Bien que son discours n’ait guère varié avec le temps, on imagine cependant qu’il utilisait des termes un peu plus choisis pour appâter le client (le pigeon, dixit NB).

Vermoren, en tant qu’administratrice générale, et parce que son incorruptibilité ne faisait aucun doute, fut chargée de graver un règlement dans le marbre. Voici in extenso les dix articles, ou plutôt les neuf composant ces inflexibles tables de la loi.

- Article 1
Chaque membre associé de l’entreprise a droit à une voix et une seule lors des conseils d’administration. En cas de litige, par exemple si les voix pour et les voix contre étaient strictement égales, événement qui ne semble pas improbable puisque le Conseil se compose actuellement de quatre membres, la voix du Président, à savoir en l’occurrence de la Présidente, sera prépondérante.

- Article 2
Les livres retenus à des fins de publication/ promotion/ mise en page/ traduction/ maquette/ révision devront être élus par la moitié des votants présents et non à la majorité, encore moins à l’unanimité. Les électeurs se composeront des membres du Conseil plus les auteurs ayant déjà fait appel à l’entreprise si ceux-ci souhaitent participer au vote (cela leur sera proposé et nous leur conseillerons fortement d'accepter) ainsi que les collaborateurs futurs salariés ou bénévoles de l’entreprise (correcteurs, relecteurs, illustrateurs, secrétaires, etc.). Ils formeront le Comité de lecture.

- Article 3
Tout livre appartenant à la littérature de l’imaginaire peut être proposé au Comité de lecture. Ce qui ressort de l’imaginaire et ce qui ne l’est pas est un choix du Comité et seulement de lui. Les critères d’appréciation seront les qualités d’imagination, de style, de narration, l’intérêt et l’émotion suscités, l’originalité de la forme ou du fond. Tout autre argument avancé pour défendre un livre sera considéré comme de mauvaise foi et pourra être tenu par la Présidente comme un motif de nullification du vote du défendeur.

- Article 4
Les membres du Conseil ou du Comité peuvent présenter leurs propres ouvrages au Comité. Non seulement ils le peuvent mais ils le doivent, tout contact avec un éditeur ou autre fournisseur de services éditoriaux avant présentation au Comité étant considéré comme un acte de félonie. Dans ce cas, le fautif serait immédiatement traduit devant le Conseil et pourrait perdre le bénéfice de son droit d’électeur ou se voir inflige une amende, ou perdre même sa place dans le Conseil s’il en est membre, selon la gravité des faits reprochés. Seul le refus du Comité de s’occuper du livre en question peut motiver de telles démarches extérieures à l’entreprise.

- Article 5
Les membres du Comité présentant leur propre ouvrage ne disposeront plus de leur voix d’électeur. De même, chaque membre peut défendre le livre d’un proche, ami, parent ou simple relation, mais dans ce cas, il perdra également son droit de vote pour le livre en question.

- Article 6
En cas de dissimulation avérée d’une information permettant d’établir un lien de proximité ou une collusion d’intérêt entre le défendeur et l’auteur du livre défendu, une procédure de forfaiture sera engagée par le Conseil vis-à-vis du défendeur. Les sanctions seront les mêmes que dans le cas prévu par l’article 5, après délibération du Conseil.

- Article 7
Les articles 4 et 5 représentent la règle générale en matière de choix éditorial. Néanmoins une exception aux règles susdites pourra être accordée à chaque membre du Comité durant son (ou ses) mandat(s) ; il pourra élire un ouvrage de son choix sur sa seule voix une fois par année se terminant par un chiffre pair. Nous l’appellerons le droit d’exceptionnalité. Si son choix s’avère judicieux pour l’entreprise, il gardera son droit d’exceptionnalité ; sinon, il le perdra, définitivement, et se verra de plus dans l’obligation de rembourser les frais avancés pour cet ouvrage. Ce droit est une possibilité offerte et n’est en aucun cas un devoir.

- Article 8
Le vote se déroulera à main levée (et non à bulletin secret par exemple), chacun devant être responsable de ses choix. Ceci permettra à la Présidente de la réunion de se rendre compte si les votes correspondent bien à l’argumentaire déployé et de prendre les dispositions qu’elle estimera nécessaires en cas de décalage manifeste. La sanction prévue est l’interdiction de vote pour une durée plus ou moins longue.

- Article 8 bis
En cas de litige — nombre d’électeurs impair et une seule voix manquant pour obtenir la moitié des voix — un nouveau tour de scrutin aura lieu avec un tour de table préalable où chacun pourra affiner ses arguments et ainsi de suite jusqu’à obtenir un résultat ne souffrant plus d’aucune contestation. En tout état de cause le nombre de votants lors du dernier tour ne pourra être inférieur à la moitié des électeurs. Ceci évitera qu’un livre puisse être élu à l’insu des autres, faute de combattants.

- Article 9
Les questions de redistribution des bénéfices, s’il y en a, feront l’objet d’un chapitre à part. Néanmoins certaines grandes lignes sont d’ores et déjà établies. Les réunions du Conseil et du Comité ne devront entraîner aucune dépense afférente pour l’entreprise, frais de bouche ou de déplacement par exemple. Chacun devra prendre ses dispositions ou, s’il ne peut assister à ces réunions de façon réitérée, devra loyalement remettre sa démission à la Présidente. Un tour d’hébergement gratuit pourra être établi entre les différents membres. Les réunions pourront aussi être réalisées en vidéo conférence selon les moyens disponibles de chacun. Ceci posé, les bénéfices seront alloués, suivant des modalités qui ne peuvent être définies à l’avance, et par ordre de priorité :
- à investir pour la prospection de nouveaux auteurs et la promotion des auteurs maison, ainsi que dans le matériel nécessaire pour moderniser l’entreprise,
- aux auteurs nécessiteux,
- aux membres du Conseil,
- aux membres du Comité moins les membres du Conseil.

- Article 10
Par respect pour le peuple juif et son prophète, il n’y aura pas d’article 10 (ceci ne figurera donc pas dans le règlement final).




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