vendredi 31 octobre 2014

Stanley Donwood et le Kid A





La collaboration entre Radiohead et le peintre/graphiste Stanley Donwood ne date pas d’hier. En fait, si mes souvenirs ne me trompent pas, elle a commencé officiellement en 1995 avec l’album The Bends, le premier album mémorable du groupe. On doit donc noter que le plus mauvais album de Radiohead, sans contestation possible, Pablo Honey (tout juste au-dessus du niveau de flottaison) est le seul album à ce jour à ne pas avoir bénéficié du concours de Donwood. Preuve que le dessinateur est indispensable aux musiciens comme source d’inspiration ? probablement pas. Mais simple coïncidence, on peut en douter. D’autant plus si on ajoute que l’artwork le plus réussi de Donwood se trouve être celui de Kid A, qui est, toujours par hasard, le meilleur album de Radiohead, et de loin (même si j’ai une estime croissante pour le dernier né The King Of Limbs).



L’ambiance et le graphisme des peintures de Donwood pour Kid A sont en parfaite adéquation avec l’esprit de la musique du groupe sinon avec la lettre. Le dépaysement absolu que provoque la, ou plutôt les premières écoutes, ce sommet glacial et brûlant de la musique moderne (la vraie, pas celle sponsorisée par les institutionnels) sont transcrits avec une grande exactitude par l'artiste. Avec le Kid A, on voyage dans un monde déjà mort ou bien peu s’en faut. Presque plus rien ne bouge excepté quelques zombies hallucinés, quelques mutants grimaçants sortis de quelques (mauvais) romans de SF. L'apocalypse a déjà eu lieu, d'évidence, même s'il reste encore ici et là quelques sons et lumières, très suspectes celles-ci, très jolies à vrai dire dans ce ciel bien sombre, avec toutes ces couleurs vives. C'est beau une explosion nucléaire, la nuit. Bon, sur la peinture, il s’agit de volcans; OK, mais l’esprit est le même.

Outre la forte charge poétique de cette musique, la grande vertu de ce groupe est sa capacité à se remettre en question, à aller toujours un peu plus loin sur la route qu’il s’est tracé. Son évolution atypique et imprévisible est d'ailleurs une des raisons qui en font un groupe si attachant. Franchement qui aurait parié en écoutant le premier album, le ni bon ni mauvais rock de Pablo Honey, que 7 ans plus tard, ce groupe serait au sommet, ce pic glacial et solitaire qu'on voit sur la pochette ? Pas moi, et pas vous non plus, soyez de bonne foi. Et qui aurait dit qu’après OK Computer, ce succès populaire total mais seulement demi succès artistique, ils auraient pris le risque de se brûler les ailes avec une œuvre aussi risquée, aussi raide à gravir comme à descendre ? Radiohead est le groupe des grands virages, sans visibilité aucune. Et Stanley Donwood a toujours su épouser les méandres torturés de son génial créateur.

Kid A, sorti à la fin de l’année 2000 clôture le vingtième siècle et contemple derrière lui les décombres d'un siècle d'horreurs. Non, je ne crois pas que ce soit devant lui. Car à la fin, ce titre curieusement féerique, Motion machin, ne serait-ce pas... mais oui, on dirait un arc-en-ciel... !

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